Jules Allard, le tisserand rouge
Qui se souvient de Jules Allard (1846-1931), fils de tisserand et tisserand lui-même, né au cœur du Cholet prolétaire ? Pourtant, jusqu’au début du 20e siècle, il fut l’une des voix de la contestation sociale dans le Maine-et-Loire.
C’est comme défenseur des ouvriers du textile qu’il se fait connaître, créant en 1882 la Chambre syndicale des ouvriers tisserands (CSOT) du rayon industriel de Cholet, avec une poignée de militants investis dans L’Espérance des tisserands unis, une coopérative ouvrière de production formée en 1870. Il est notamment chargé d’élaborer un projet de tarif uniforme des prix de façon et d’inciter les fabricants à former une chambre patronale qui serait l’interlocutrice de la chambre ouvrière dans la négociation tarifaire. Objectifs pour partie atteints en février 1883, sans grève mais avec force rencontres avec les patrons.
Le soutien des broussistes à la grève générale du textile de 1887 convainc Allard de la nécessité de lier combats syndical et politique : le CSOT, dont il est le président, adhère à la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF). Aux conservateurs choletais qui l’accusent de « saisir la première occasion pour organiser un mouvement révolutionnaire et anarchique dans le but de s’emparer des pouvoirs locaux », Allard réplique : « Nous chercherons tous les moyens possibles pour nous sortir des mains de tous les exploiteurs qui veulent nous faire mourir de faim ».
Dès l’année suivante, il se consacre à la politique. Conseiller municipal, il se bat pour la « laïcisation des écoles municipales des filles », la hausse des salaires ouvriers, la limitation du temps de travail, et dénonce les manœuvres des catholiques et conservateurs choletais qui tentent de diviser les ouvriers en créant un syndicat concurrent pour les tisserands à la main. Lors de la grève de septembre 1888, il répond à la menace de lock-out agitée par le patronat : « C’est nous qui allons les forcer à fermer leurs usines en criant, “Nous ne voulons plus travailler dans vos bagnes !” » Défait, le mouvement ouvrier choletais accuse le coup, et seuls les militants les plus aguerris restent organisés. Allard est de ceux-là, s’impliquant aussi bien dans le Parti ouvrier, que dans le mouvement coopérateur (il participe à la création d’une coopérative de consommation : La Ruche choletaise), et syndical (défendant aussi bien les tisserands localement que nationalement, via la fédération et la CGT)... et ce, jusqu’au début du 20e siècle où à près de 60 ans, ce robuste gaillard, tenace et volontaire, pourra enfin jouir d’une retraite méritée.
Contribution rédigée par le Centre d’histoire sur une proposition de Jean-Joseph Chevalier. Qu'il en soit remercié.
Après la parution de cette contribution, J.-J. Chevalier nous a informé que nous avions fait deux erreurs, confondant broussistes et guesdistes et transformant le syndicat conservateur en société de secours mutuels. Nous avons corrigé en conséquence notre texte.
Source :
Jean-Joseph Chevalier, Jules Allard, "Une grande figure du mouvement ouvrier choletais naissant (1846-1931"), Les Cahiers des Mauges, n°15, 2015, p. 65-71.
Article initialement publié sur le blog du CHT le 16 janvier 2017.
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