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En novembre 1904, les ouvriers et ouvrières du « secteur bois » de la Société anonyme des filatures, corderies et tissages d’Angers cessent le travail. Les premiers sont solidaires des secondes qui ne supportent plus le harcèlement sexuel dont elles font l’objet de la part d'un contremaître. Julien Bessonneau, le pieux patron et administrateur unique de la société, sera-t-il sensible à leur appel ?
Religieux ou non, la plupart des hommes sont d’accord : la place des femmes n'est pas dans l'atelier car la femme est avant tout ménagère et mère, gardienne du foyer. Pour les athées, il revient à l’homme de nourrir la famille. Pour l’église, la fabrique n’est qu’un lieu de perdition parce que les femmes y croisent des hommes et que la promiscuité peut mener au péché de chair : patrons et contremaîtres lubriques, langage ordurier, machines vibrantes dont l’usage prolongé, souligne l’Académie de Médecine, provoque « une excitation génitale assez vive » ; la machine à coudre n’excite-t-elle pas « le délire hystérique » ?
Chez Bessonneau, le refus du droit de cuissage mobilise les travailleurs des deux sexes… à moins que ce ne soit pas la volonté de faire baisser le tarif de 40% imposée par un contremaître mécontent d’avoir été éconduit par une ouvrière qui poussent les menuisiers et autres tourneurs sur bois à prendre le parti de la victime. Les grévistes ne s’en prennent pas seulement aux agissements d’un « malpropre individu » dont ils réclament le renvoi, mais à la bienveillance de la direction à son égard. Julien Bessonneau n’a-t-il pas soutenu que « ce dont on accusait ce monsieur en question, ne relevait que de la galanterie française », chose naturelle qui se pratiquait « couramment de la même façon jusque dans [les] bureaux. » ?
S’engage alors un bras-de-fer. Court, à peine d’une dizaine de jours. Pot de terre contre pot de fer. Julien Bessonneau, patron philanthrope, ne cèdera pas : de quel droit les ouvriers se permettent-ils de faire la morale à un fervent catholique comme lui ? Est-ce à eux de choisir les personnes qui vont les encadrer ?
Le front ouvrier s’effrite rapidement : les grévistes n’exigent plus le renvoi et laissent la direction régler le « malentendu » comme elle l’entend. Mais le directeur n’entend rien : elle défend « son » contremaître et s’appuie sur les « jaunes » pour disqualifier un peu plus le mouvement revendicatif.
Le 22 novembre, le travail reprend pour tous les ouvriers… sauf pour celles et ceux qui ont flétri l’honneur de Julien Bessonneau : ils sont renvoyés purement et simplement car leur présence était « insupportable pour le bon ordre et la discipline de l’entreprise »...
Dans un livre célébrant les soixante-ans de la société, aucune référence à ce conflit. En revanche, on peut y lire ceci : « Les créateurs et les chefs successifs (…) ont toujours regardé comme un devoir primordial de traiter leurs ouvriers en collaborateurs et de leur assurer le plus possible de bien-être matériel et de réconfort moral. »
Sources :
Marie-Victoire Louis, Le droit de cuissage - France, 1860-1930, Editions de l'Atelier, 1994.
Société anonyme des filatures, corderies et tissages d'Angers, Historique des manufactures et usines de la société (1750-1920), Editions de l'Ouest, 1920.
Article initialement publié sur le blog du CHT le 26 avril 2018.
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