Les paysans de l'Ouest contre la "Taxe" (1977-1978)
Un « fleuve de lait », des « montagnes de beurre » : telles sont les expressions utilisées dès 1968 pour évoquer la récurrente surproduction laitière nationale que rien ne semble pouvoir freiner. Quatre ans plus tard, les paysans bretons et de Loire-Atlantique se lancent dans la « grève du lait » pour obtenir une « paie » qui tienne compte des coûts de production.
Peu à peu, la notion de prix de revient est mise en avant, notamment par la FDSEA de Loire-Atlantique, par des militants de CDJA dissidents et tous ceux qui se sont regroupés sous le sigle Paysans-Travailleurs. Ces derniers sont plus méfiants vis-à-vis des coopératives et souhaitent que le prix du lait soit garanti jusqu’à un certain quantum (ou volume) de production.
En 1976, la commission européenne lance l’idée d’une taxe de coresponsabilité destinée à financer des campagnes de promotion du lait français à l’étranger. Elle s’élèverait de 1,5% à 4 % du prix selon le niveau des stocks. Cette prime, qui a l’aval de la FNSEA, est combattue dans l’Ouest où des FDSEA s’y opposent fermement. Considérant que les petits producteurs ne sont pas responsables de la surproduction, les Paysans-Travailleurs exigent des laiteries le non prélèvement de la taxe jusqu’à un quantum de 50000 litres par an. Ils s’efforcent de mobiliser sur le plan national et vont même jusqu’à investir symboliquement la ferme de Michel Debatisse, président de la FNSEA, le 12 décembre 1977.
Sur le plan régional, trois FDSEA de l’Ouest (Finistère, Loire-Atlantique et Morbihan) prennent, avec d’autres opposants, l’initiative d’une manifestation à Vannes pour refuser la taxe et aussi constituer un pôle oppositionnel à l’intérieur de la FNSEA. La FDSEA de la Mayenne finit par s’y rallier. C’est un succès : ce 11 janvier 1978, dix mille producteurs défilent dans le calme. En Vendée, une semaine de mobilisation est organisée contre la taxe par les Paysans-Travailleurs qui dénoncent aussi toutes les primes (quantité, qualité, prime à la réfrigération, à la matière grasse, à la matière azotée) qui créent des écarts de 8 à 12 centimes, voire plus, entre les producteurs et défavorisent les plus petits. Le 19 janvier, un rassemblement, organisé à Montaigu en lien avec les producteurs de la laiterie Sabourin, regroupe plusieurs centaines de personnes.
Malheureusement pour lui, le mouvement ne parvient pas à s’étendre au plan national, beaucoup attendant de la victoire de la gauche aux législatives de mars 1978 une réorientation de la politique agricole plus favorable aux paysans petits et moyens. Le mouvement s’effiloche, avant de s’éteindre. La mobilisation n’aura fait que retarder l’application de cette taxe de coresponsabilité… qui ne résoudra en rien les problèmes chroniques de surproduction laitière.
Contribution de Jean-Marc Herreng (membre du CDHMOT de Vendée).
Sources :
Vent d’Ouest (journal des Paysans-Travailleurs), de décembre 1977 à mars 1978.
Archives du CDHMOT de Vendée : fonds PT 21.
Archives du CH, fonds ANPT (Association nationale Paysans-travailleurs).
Article initialement publié sur le blog du CHT le 1er juin 2016.
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