Saint-Nazaire (1956-1958) : des Algériens mal-logés...et suspects !

La vie quotidienne des travailleurs algériens en métropole durant la guerre d’Algérie (1954-1962) ne fut jamais de tout repos. À Saint-Nazaire, des hommes et des femmes, notamment syndicalistes, se mobilisèrent en leur faveur en 1956 puis, à nouveau, en 1958.

 

Combien sont-ils ? Quelques centaines, pour la plupart des travailleurs isolés, harcelés par les services de police, et bien souvent logés dans un cantonnement « provisoire » de l’ONCOR (Office national des cantonnements ouvriers de la reconstruction, créé en septembre 1945). Les conditions y dont déplorables si l’on en croît le Comité d’action au service des Nord-Africains (né en 1956) : c’est « un lieu de misère et de violence où les hommes ne veulent plus vivre », un taudis mal chauffé, non entretenu dans lequel s’entassent 268 personnes (pour 160 places) payant chacune 1700 F par mois !

 

Au sein de ce comité, se mêlent des syndicalistes CFTC (comme Yves Thoby et les frères Michel) et CGT (Roland Andrieu), Lucien Jailloux, futur secrétaire local du Secours populaire français (SPF, proche du PCF), un pasteur (M. Velten) de la Fraternité protestante et, pour faire le relais auprès des Algériens, Abdelmajid Nedjema, un militant nationaliste nord-africain membre de la CGT. Ce comité obtient de la sous-préfecture et de la mairie, des mesures d’urgence et la promesse d’un relogement dans un bâtiment en dur.

 

En octobre 1958, le combat devient plus politique qu’humanitaire. Le comité s’investit dans la défense de trois ouvriers algériens inculpés « d’atteinte à l’intégrité du territoire national », en lien avec un quatrième individu, détenteur d’explosifs de chantier… périmés. Ces hommes « sans histoires », mariés et pères de famille, honorablement connus et appréciés, obtiennent un non-lieu du juge d’instruction (pour qui ils furent victimes d’une dénonciation calomnieuse)… mais se voient frappés arbitrairement d’une mesure préfectorale d’internement administratif temporaire. Durant ces mois de lutte, le SPF leur a fourni un avocat, Maître Chatal , soutenu matériellement les familles, tandis que l’UL CFTC interpelait Charles de Gaulle et que le pasteur Velten, proche des communistes nazairiennes, s’efforçait de mobiliser syndicalistes chrétiens et communistes, pour une réunion discrète en « terrain neutre »… Cet épisode illustre la répression accrue que subirent les travailleurs algériens après mai 1958 et l’arrivée du général De Gaulle au pouvoir.

 

Ces deux mobilisations soulignent également le développement des liens entre militants chrétiens et communistes sur le terrain des luttes anticoloniales, facteur essentiel de recomposition politique, avec un glissement à gauche, très net en Bretagne, des milieux chrétiens progressistes.

 

Contribution de Yvon Gourhand.

 

Sources :

 

Archives de l’UL CFTC de Saint-Nazaire (Centre d'histoire du travail).

 

Archives de police (Archives départementales de Loire-Atlantique).

 

Yvon Gourhand, « 1956-1958, une mobilisation nazairienne en guerre d’Algérie », in C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Erwan Le Gal et François Prigent (dir.), Rennes, éd. Goater, 2018, pp. 331-346.

 

Article initialement publié sur le blog du CHT le 31 octobre 2018.

 

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