Brissonneau, 1950 : une grève...de la faim

En octobre 1950, douze délégués syndicaux de l’entreprise métallurgique Brissonneau de Nantes-Doulon, forte alors de mille salariés, font un choix d’action radical : la grève de la faim. Geste qui en dit long sur l’exaspération de la classe ouvrière… et l’incapacité du syndicalisme à se faire entendre du patronat sur les questions salariales.

 

L’action est forte et symbolique : ce mercredi 6 octobre, dans l’unité, les délégués FO, CGT et CFTC de l’entreprise plantent leurs tentes devant la porte de l’usine et annoncent cesser de s’alimenter jusqu’à ce que la direction ouvre de véritables négociations. Ils ne mangent pas mais ils travaillent, le ventre vide, du moins ils s’y efforcent.

 

Ce mouvement désarçonne tout le monde, et en premier lieu les syndicats. Car le gréviste CFTC Charles Forget l’a dit clairement : « Nous avons pris cette décision sans contacter nos organisations syndicales respectives (et) si nous faisons ce sacrifice, c’est que nous avons pensé qu’il fallait engager une lutte sans merci. ». Nous sommes portés à le croire : ce mode d’action ne fait pas partie de la panoplie du syndicaliste, surtout laïc, et nous doutons fortement que les directions syndicales départementales auraient appuyé une telle proposition. Même la CFTC n’en fait pas la promotion : dans son journal, La Voix des travailleurs (CFTC), elle parle de « gestes de folie difficiles à comprendre au départ et difficilement assimilables par tous » ; l’enthousiasme n’est donc pas de mise. Le seul mérite de ces « douze apôtres », écrit-elle, est de réveiller la classe ouvrière, de lui faire retrouver le sens de la solidarité. Car l’enjeu est ici : sans mobilisation des travailleurs, nul combat social ne peut être gagné : « Les 968 membres du personnel de l’entreprise viennent de comprendre, dit Charles Forget, que depuis des années ils étaient dans l’erreur de rester inorganisés. »

 

Le seul à ne pas être désarçonné est le patron : pas question de céder au chantage, y compris quand la grève devient totale dans ses ateliers, trois jours après le déclenchement du mouvement ! Il reconnaît que la classe ouvrière souffre et qu’elle a raison de protester, mais développe une rhétorique des plus classiques : la conjoncture économique est telle que satisfaire les travailleurs mettra l’entreprise sur la paille, donc il vaut mieux que les travailleurs se satisfassent des 5 ou 7 F d’augmentation du tarif horaire qu’il leur propose !

 

Trois jours plus tard, sous la pression des médecins et des syndicats de la métallurgie, les grévistes de la faim cessent leur mouvement, et à l’issue des négociations, les travailleurs obtiennent en moyenne une augmentation de 13 F de l’heure. Une victoire donc, mais qui laissent cependant la plupart des ouvriers (manœuvres, OS2, peintres…) en deçà des 100 F de l’heure, tarif minimum aux yeux des syndicats.

 

 

Recherche documentaire effectuée par Louise Figureau, élève de 3e au collège Pont-Rousseau de Rezé, stagiaire au CHT.

 

Sources :

 

Archives du CHT :

Fonds Syndicat de la métallurgie CFDT de Nantes et région

Fonds Union syndicale des travailleurs de la Métallurgie (USTM) CGT de Loire-Atlantique

Fonds Union départementale CFDT de Loire-Atlantique (UD CFDT 44)

Fonds documentaire du Centre d'histoire du travail : CHTD E 12

 

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Article publié le 1er mars 2023.

 

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