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Préfailles, août 1937 : quand la jeunesse s'en mêle
Les années 1930 sont marquées par une montée de la violence politique entre partisans et opposants au Front populaire. Cette politisation des esprits n’épargne pas les enfants comme en atteste ce fait divers survenu à Préfailles au cœur de l’été.
L’incident, pourtant anodin, a les honneurs de la presse réactionnaire. Le Jour, quotidien fort droitier, titre dans son édition du 23 août 1937 : « À Préfailles, de jeunes communistes assaillent des enfants patriotes ». Les « agresseurs » sont des gamins de la colonie de vacances de l’Union des syndicats de la région parisienne CGT. Les « agressés », neveux d’un notable local, arborant « au guidon de leur vélo un fanion de papier tricolore », ont été jetés à terre, « frappés et couverts de crachats » ; et le lendemain, leur cousin de 9 ans fut l’objet de menaces et d’injures alors qu’il achetait un journal « qui n’était pas de stricte obédience moscoutaire ».
Rien de bien méchant donc, et cela peut expliquer le silence de la presse locale pourtant peu suspecte de philocommunisme. Cependant, ce fait divers en rappelle d'autres, parfois plus dramatiques : le 24 avril 1937, sur les pentes de la Croix-Rousse (Lyon), Paul Gignoux, âgé de 8 ans, vendeur de billets de tombola au profit de l’enseignement libre et fils d’un notable du PSF (Parti social français) [1] meurt lors d’une agression ; en octobre 1936, un autre jeune est agressé à Ivry parce qu’il fréquente le patronage catholique. A l’inverse, des attaques sont commises par de jeunes nationalistes sur des enfants considérés comme « rouges ».
Ces agressions témoignent, dans un contexte de fortes tensions politiques entre deux camps opposés, du fait qu’enfants et adolescents ne sont pas extérieurs au monde des adultes. Dans le cercle familial, dans leur quartier, ils voient, entendent et se forgent une identité, notamment politique. Cette période (1936-1938) est ainsi marquée par une agitation politique de la jeunesse, avec un fort « potentiel belligène », y compris donc au sein de jeunes de l’école primaire. De tels événements vont alors contribuer à renforcer encore l’anticommunisme des droites nationalistes et catholiques mais aussi l’antifascisme des gauches marxistes durant le Front populaire.
Yvon Gourhand
[1] Le Parti social français de François de La Rocque est le successeur de la ligue Les Croix-de-Feu.
Pour aller plus loin :
Gilles Morin et Gilles Richard (coord.), Les deux France du Front populaire, Paris, L’Harmattan, Des poings et des roses, 2008.
Gilles Vergnon, Un enfant est lynché. L’affaire Gignoux, 1937, Paris, PUF, 2018.
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Article publié le 1er juillet 2023.