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Nantes, novembre 1979 : un combat antimilitariste
Le 21 novembre 1979, deux hommes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Nantes pour avoir renvoyé leur livret militaire. Le premier, Bernard Lambert, est un syndicaliste paysan bien connu, et le second, Jacques Musset, un prêtre. Tous deux ont fait la guerre d’Algérie et en sont sortis meurtris…
Malgré le soutien de personnalités comme Simone de Bollardière (militante pacifiste et épouse du général de Bollardière qui condamna l’usage de la torture en Algérie) ou Gabriel Cohn-Bendit (militant d’extrême gauche et frère aîné de Dany), ils sont condamnés à une amende et à 5 ans de suspension des droits civiques, « au titre de l’alinéa 4 de l’article 42 », soit à une interdiction… de port d’arme ! Jacques Musset prévient : « selon la coutume, cette condamnation aura pour effet le renvoi de 10 nouveaux livrets militaires ». Il a raison : une dizaine de livrets, inclus dans un bloc de résine, sont renvoyés, dont celui de Paul Bouyer, militant syndicaliste et ancien bénévole au foyer « nord-africain » du quai Ernest-Renaud dans les années 1950.
Dans les années 1970, l’objection de conscience et l’insoumission sont portées par une partie de la jeunesse qui inscrit son combat dans celui, plus large, du refus de « la militarisation croissante de la société ». Mai 68 n’est pas loin ! La lecture du bulletin local de l’Agence de presse libération (APL) témoigne de la vigueur de ces mouvements et de la pluralité de leurs expressions. Car si les pacifistes, antimilitaristes et non-violents (1) se côtoient, ils se chicanent aussi ! Les « renvoyeurs de livrets » sont ainsi pointés du doigt dans les colonnes d’APL par un militant qui leur reproche d’être un « mouvement d’inspiration religieuse » et leur absence de « ligne de pensée cohérente et globale ». Ils s’en défendront, dans le numéro suivant, avec un texte intitulé « Que se lèvent les renvoyeurs ! » : « Nous n’avons pas besoin de l’autorisation et de la bénédiction de l’évêque pour poser les actes que nous posons ! » écrivent-ils avant de rappeler que leur conférence de presse s’est tenue… dans les locaux de l’amicale laïque.
(1) Le Groupe de résistance et d’information contre la militarisation (GRIM) résulte de la jonction du Groupe d’insoumission totale (GRIT) et du Comité de lutte des objecteurs de conscience.
Sources
Agence de presse Libération (APL), n° 97 (novembre 1979) et n°105 (janvier 1980). (accéder aux numéros en ligne)
Pour aller plus loin
- Jean-Philippe Lecomte, « L’antimilitarisme. Proposition de définition », Champs de Mars, 2001/1 n°9, pp. 111-133.
- Régis Forgeot, « Une libéralisation contrariée ? Mai 68 et les objecteurs de conscience », in 1968, entre libération et libéralisation : la grande bifurcation, Michel Margairaz et Danielle Tartakowsky, Rennes, PUR, 2010, pp. 201-215.
- Marc Richevaux, « L’objection de conscience, l’ONF et l’intérêt général », in Jacques Chevallier (dir.), Variations autour de l’idéologie de l’intérêt général (vol. 1), CURAPP/Faculté de droit et des sciences économiques de Reims, Paris, PUF, 1978, pp. 245-250.
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Article publié le 1er septembre 2023.