2020-06-15_Saint-Nazaire militantes catholiques-sociales


Catégorie : Loire-Atlantique
dates : -
Lieu :
Auteur : chtnantes

Saint-Nazaire : militantes catholiques-sociales des Trente-Glorieuses

On minore bien souvent le rôle important joué par les militantes catholiques-sociales dans les quartiers populaires. Elles ont pourtant marqué de leurs empreintes l’histoire ouvrière et populaire, mais aussi celle du féminisme.

 

Les associations catholiques-sociales émergent dans les années 1930 afin de permettre aux jeunes hommes et femmes impliquées dans les structures jocistes de poursuivre une activité militante dans les quartiers ouvriers… et de contrer l'influence communiste auprès des femmes. Elles se développent surtout après 1945, durant les « Trente Glorieuses »… qui ne l’étaient pas pour tout le monde.

 

A l’origine structures mixtes, elles deviennent quasi exclusivement féminines, les hommes privilégiant l'engagement syndical, en général CFTC (puis CFDT). Cependant, il faut attendre 1973 pour qu’une femme, Isabelle Brisset*, accède à la présidence de l'Association Populaire Familiale nazairienne. L'association regroupe des « femmes au foyer » des quartiers populaires, autour du quotidien (mise en place de « services » : vestiaires, achats groupés et surtout prêt de petites machines à laver portatives), et de revendications liées à la famille et au rôle des femmes en son sein (logement, prestations familiales, santé, éducation). Au milieu des années 1960, l’APF nazairienne compte 500 familles adhérentes. Ce chiffre diminue ensuite, le développement de la société de consommation rendant son offre de « services » moins attractive car les foyers s’équipent en appareils ménagers.

 

Militer modifie leur vie : circuler (hors trajets école et courses), se réunir, réfléchir ensemble, agir par soi-même cassent l'enfermement du foyer. Sortir c'est à la fois sortir de soi et être soi. Cette affirmation les amènera d’ailleurs à descendre plus d’une fois dans la rue, notamment lors des grèves de 1967. Cette évolution poussera l'APF à devenir en 1976 la Confédération Syndicale du Cadre de Vie**.

 

Evolution qui les pousse également à interroger la place des femmes dans la famille et la société, à se prononcer pour la contraception et l’IVG, et même à mener des actions communes avec le groupe féministe local, le tout non sans remous internes ! Jongler entre tenue du foyer et militantisme dresse sur leur route bien des obstacles (horaires de réunion inadaptés, poids des tâches domestiques, réticences masculines). Mais militer signifie pour elles exister, dépassement de soi et des rôles sexués, sortir des « silences de l'histoire »***.

 

Contribution de Dominique Loiseau.

 

Notes : * Isabelle Brisset travaille très ponctuellement en tant qu'institutrice, mais choisit d'être avant tout une femme au foyer militante ; ** Actuellement Consommation Logement cadre de Vie ; *** Michelle Perrot, Les femmes ou les silences de l'histoire, Flammarion, 1998.

 

Sources :

 

Dominique Loiseau, Femmes et militantismes, L'Harmattan, 1996.

 

Dominique Loiseau, "A Saint-Nazaire, petite chronique d'un féminisme ordinaire, in Place publique n°74 (printemps 2020).

 

Article initialement publié sur le blog du CHT le 15 juin 2020.

 

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