2021-04-01_Le Pays-de-Retz socialiste et la guerre d’Algérie


Catégorie : Loire-Atlantique
dates : -
Lieu :
Auteur : chtnantes

Le Pays-de-Retz socialiste et la guerre d'Algérie

Dans son numéro 44 de février 1956, l’hebdomadaire SFIO Le Pays-de-Retz socialiste ouvre ses colonnes à un de ses militants, et non le moindre : Raoul Coustal est en effet le rédacteur et l’administrateur de cette feuille militante, et le mois précédent, il était le candidat du parti aux législatives. Ce n’est pas le gestionnaire qui prend la plume mais l’ardent défenseur d’une Algérie française qui lui est chère, menacée par une minorité d’agitateurs à la solde de l’étranger. Il faut, écrit-il, les « exterminer jusqu’au dernier. Pas de prisonniers et surtout pas de procès retentissants » qui seraient autant de tribunes offertes aux « communistes » et « nationalistes » pour salir la mère-patrie. La violence de ces propos et le fait qu’ils soient portés par un responsable local de la SFIO en dit long sur la force de l’esprit colonial au sein de la « vieille maison ».

 

 

Voici une copie du texte :

 

« Des abonnés du bulletin, ayant appris au cœur de la campagne électorale, que j’avais habité la Tunisie, ignorant mon origine algérienne, me demandent de leur [faire] connaître mon opinion sur le problème algérien. Je vais le faire aujourd’hui parce que j’ai la nette impression que mes concitoyens de la Métropole se font du problème algérien une idée totalement fausse en croyant par exemple que les Français d’Algérie ne sont que d’odieux colonialistes-oppresseurs.

 

Je veux avant tout détruire cette légende et prouver que l’Algérie est une terre bien française. Qu’était l’Algérie avant la pacification française ?

 

Un pays presque désertique qui, après avoir subi plusieurs dominations, notamment turque et espagnole, se trouvait en pleine anarchie, chaque centre important possédant son Dey ou son Bey (seigneur local) en guerre permanente entre eux, ce qui rendait dans le pays toute circulation dangereuse sinon impossible.

 

Sur la côte algérienne, les Kabyles d’origine nordique, de confession islamique mais de langues et de mœurs totalement étrangers aux autres fractions arabes qui les avaient refoulés dans les montagnes de la grande et petite Kabylie. À l’intérieur et sur la côte, une population arabe hétéroclite dont la principale occupation était le pillage, le brigandage et la piraterie.

 

Après la pacification et la mise en place d’une administration française, l’Algérie a connu l’afflux d’une nouvelle population comprenant toutes les races du bassin méditerranéen : des Français, anciens militaires, beaucoup de déportés du coup d’État de Napoléon III qui sont les créateurs de petits centres de colonisation, dont les villages portent les noms glorieux de nos provinces ou de notre histoire ; des Espagnols qui se sont installés entre la frontière marocaine et Alger ; des Italiens, pour la plupart des pêcheurs qui se sont installés entre Alger et la frontière tunisienne ; des Maltais, des grecs, des Juifs et d’autres encore, n’ayant pour tout bagage que leurs bras et leur courage.

 

De ce mélange et de ce brassage de races, commencés à l’école pour se terminer dans la vie courante en passant par la caserne, est né avec son accent, ses défauts et ses qualités, un nouveau type de Français : l’Algérien.

 

Sur les bancs de l’école publique, tous ces petits Algériens dont j’étais, de toutes origines, musulmans ou Européens, parlant tous le français, ont appris à se comprendre, à s’aimer et à aimer une seule mère-patrie : la France.

 

Les Algériens sont donc bien Français au même titre que les Bretons ou les Parisiens, et sont chez eux en Algérie, terre française, comme les Bretons sont chez eux en Bretagne et les Parisiens à Paris.

 

En 1914, l’Algérie a-t-elle refusé ses enfants à la Patrie en danger ? Combien d’Algériens sont-ils morts sur les champs de bataille et pour qui sont-ils morts sinon pour la France et l’Algérie française ?

 

Et l’on voudrait prétendre aujourd’hui que la terre sur laquelle ils sont nés, et pour laquelle ils sont tombés, en mélangeant leur sang, n’est pas terre française ?… Il n’y a plus que les communistes et les Américains pour le croire. C’est pour cette raison que mes camarades algériens et mes parents, peut-être, ont manifesté à l’arrivée de Guy Mollet à Alger, parce que les Algériens savent que le problème algérien n’a rien de commun avec le question des protectorats marocain et tunisien et que, trompés par une minorité d’anciens pétainistes et de nouveaux fascistes, ils ont cru que Guy Mollet venait à Alger pour abandonner l’Algérie, comme a été abandonnée l’Indo-Chine qui n’était qu’un territoire occupé par la France, ne protégeant plus que des intérêts financiers et des missions religieuses, mais non pas une terre française.

 

Je comprends la déception et le bouleversement ressentis par Guy Mollet  après la réception hostile qui lui a été faite à son arrivée à Alger, mais je sais aussi que l’on peut lui faire confiance et que ce n’est pas l’agitation provoquée par quelques fascistes de France et d’Algérie – les chiens aboient, la caravane passe – qui pourra l’arrêter dans sa détermination de donner une solution juste et équitable au problème algérien.

 

Le principe de la souveraineté française en Algérie n’étant plus discutable, quelle est la cause du malaise qui existe entre Algériens ? …

 

Il provient d’une agitation dont le centre est au Caire, provoquée par une poignée de nationalistes arabes, bénéficiant de l’appui occulte de pays étrangers. J’ai la conviction que la masse des musulmans algériens ne suit les provocateurs que par la contrainte et la peur des représailles, sachant parfaitement bien qu’elle perdrait au change avec le retour au régime de la féodalité arabe. Ce problème posé sur le plan arabe par des agitateurs arabes ne peut être traité que par des méthodes arabes : application de la loi coranique qui fait sienne la loi du talion, œil pour œil dent pour dent, et du principe employé par les gouvernants arabes : la justice et la force.

 

Il faut commencer par dire à nos alliés que la Ligue arabe n’est qu’une association d’agitateurs ayant pour but de déclencher la guerre dans le Proche-Orient. Il faut condamner à mort, par contumax [contumace] les Algériens qui font partie de cette ligue pour complot contre la sûreté de l’État français en Algérie.  

 

Il faut mettre l’Égypte en demeure de faire cesser cette agitation et les envois d’armes en allant jusqu’à la rupture des relations diplomatiques et au besoin user de représailles en laissant, ou en aidant, la Palestine régler son différend avec ce pays provocateur.

 

Il faut décréter une bonne fois pour toutes que les soi-disant soldats de la Libération algérienne ne sont que des tueurs à gages, des incendiaires et des assassins à exterminer jusqu'au dernier. Pas de prisonniers et surtout pas de procès retentissants qui donnent l'occasion à des propagandistes, avocats nationalistes ou communistes de venir en Algérie insulter la France et attaquer son prestige. Le seul châtiment que méritent les assassins est la mort. L'ordre rétabli, régler le problème politique intérieur en fixant à chaque citoyen, algérien musulman ou européen, la limite de ses droits et de ses devoirs dans la communauté française, dans le respect des lois républicaines.

 

Raoul Coustal »

 

Source :

 

Archives CHT, fonds Roger Payen (PAY 11).

 

Article initialement publié sur le blog du CHT le 1er avril 2021.

 

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