2023-02-01_Une jeunesse bouleversée par le printemps 1936


Catégorie : Loire-Atlantique
dates : 2023-02-01 -
Lieu :
Auteur : chtnantes

Une jeunesse bouleversée par le printemps 1936

En 1924, à l’âge de dix-huit mois, Jean-Claude Roux découvre les Batignolles, non pas les cités ouvrières en bois, mais une belle bâtisse sise à La Renaudière. C’est là qu’il va passer sa jeunesse d’enfant… et de fils du directeur.

 

Diplômé des Arts et Métiers, Théodore Roux est chargé en 1924 par la direction des Batignolles de prendre en charge l’usine nantaise du groupe. Il s’installe dans un logement de fonction, une « sorte de Folie du 19e siècle » au milieu d’une espace de trois hectares, « un hectare de parc, un hectare de prairie et un hectare de terres cultivables », et qui le sont : « Mes parents, des Ardéchois de naissance, étaient très attachés à la terre. Nous élevions des volailles, des chèvres, des lapins. L’étang accueillait des canards. Les pommiers fournissaient le cidre. Chaque année, on battait les foins. Nous étions presque auto-suffisants pour la nourriture. »

 

Tel est l’univers dans lequel s’épanouit Jean-Claude et son frère cadet. Les enfants d’ouvriers ? Il ne les fréquente qu’à l’école primaire pour garçons du Ranzay. Ecole publique, ce qui est à signaler dans l’univers très conservateur de l’Ouest : « Mon père a été enfant de chœur mais a coupé les ponts. Il voulait me faire baptiser dans toutes les religions ! Disons qu’il était neutre… »

 

Quel type d’homme était-il ? « Il était autoritaire, à une époque où le patron, c’était le roi. Il avait une autorité naturelle » car il connaissait le métier. Mais si l’on en croît leurs témoignages, les vieux Batignollais avaient surtout affaire au sous-directeur, M. Roche, qui connaissait chacun par son prénom !

 

Survient juin 1936. Jean-Claude Roux a 14 ans. Les grèves ? « Mon père ne parlait pas de ça devant les enfants. Je sais juste que lorsqu’elles ont démarré aux Batignolles, il était à Metz et qu’il est rentré dare-dare », à la fois du fait de ses responsabilités à l’usine et en dehors, puisqu’il représentera les industriels lors des négociations. Il se souvient surtout de lui venant le chercher au lycée Livet et lui disant, sans plus d’explications : « Je ne suis plus directeur. Je ne me suis pas entendu [avec la direction nationale]. »

 

Que s’est-il passé ? Pour Jean-Claude Roux, « les administrateurs n’ont pas aimé la position de mon père vis-à-vis des ouvriers. Ils lui ont mis la grève de 1936 sur le dos. D’ailleurs il a été en justice et a gagné son procès grâce à Maitre Lucas. » Peut-être n’ont-ils pas apprécié que ce soit les turbulents ouvriers des Batignolles qui ouvrent le bal, le 3 juin, en se mettant en grève, entraînant dans leur sillage toute la métallurgie nantaise… On mesure mal le traumatisme vécu par le patronat par la vague d’occupations du printemps 1936, terrible crime de lèse-majesté !

 

Dans le n°5 (05/1951) de la revue Arts et métiers, éditée par la Société des anciens élèves de l'ENSAM, il est sobrement indiqué qu’en « 1937, il abandonne ses fonctions pour se consacrer au secteur du bâtiment », plus précisément dans l’entreprise Bernard, spécialisée dans la construction de ponts et châteaux d’eau. Un abandon qui ressemble davantage, si l’on en croît Jean-Claude Roux, à un congédiement…

 

Une page se tourne. La famille Roux connaît le même destin (toutes proportions gardées !) que les familles ouvrières habitant les cités en bois : la rupture du contrat de travail entraîne la fin du bail locatif. Jean-Claude Roux abandonne ainsi La Renaudière pour une maison cossue près du rond-point de Paris.

 

Source :

 

Entretien du  CHT avec Jean-Claude Roux le 14 avril 2022.

 

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Article publié le 1er février 2023.

 

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